Le fichier va se charger dans quelques instants

Si le fichier ne se charge pas, cliquez sur ce lien

docx 16 Ko

J'apprends avec tristesse et consternation le décès d'Henri Nahum qui a été, comme le rappellent ses grands élèves et collaborateurs, l'une des plus glorieuses figures de la radiologie française de la seconde moitié du XXe siècle. Les signataires de cet hommage funèbre lui rendent les honneurs qu'il mérite. Je n'ai pas été son élève direct mais je l'ai découvert lorsque j'étais interne en cardiologie à Beaujon en 1971. Il a toujours été très attentif et bienveillant à ma personne et à ma carrière; moi-même j'ai toujours voulu m'honorer de son amitié et mon respect qui se sont mués en affection complice et jamais ombragée quand j'ai eu à affronter les grandes crises de ces quatre dernières décennies.

Je voudrais mentionner six grandes occasions de lier une partie de ma destinée à des entreprises, plus ou moins couronnées de succès, qui n'auraient pu aboutir sans lui, soit qu'elles n'auraient pas pu germer, soit parce qu'elles n'auraient pas pu mûrir dans la prospérité. Il est remarquable de noter que, même s'il est rarement arrivé de nous opposer conjoncturellement à quelques rares occasions, jamais l'intimité de nos rapports affectifs n'ont été interrompus, ni altérés durant le demi-siècle où nous avons cohabité de près ou de loin.

1. En 1979, il inclut dans le programme du Congrès de l'AER de Paris le module « Le Cinquantenaire de l'Urographie Intraveineuse » que je lui proposai de réaliser sous la présidence de Jean-René Michel et non pas de la mienne comme il me le suggérait, à une époque maintenant révolue du puissant et clastique mandarinat des caciques duquel il voulait m'émanciper. Ce fut une dernière fois donnée à R-T Colliez l'occasion de témoigner de son rôle pionnier. Ce fut le début de mon activité d'historien de la discipline dont les différentes entreprises seront toujours catalysées ou supportées par la bienveillance et l'autorité d'Henri Nahum. 
Je me souviens du whisky qu'il m'offrit au bar du Danieli lors du congrès européen de l'AER de Venise, l'année de mon inscription sur la liste d'aptitude aux fonctions d'agrégé. Déjà il m'exprimait les grands espoirs qu'il mettait dans cette génération cohérente d'anciens internes des hôpitaux de Paris née de mai 1968 qui allait dynamiser une discipline qu'il commençait à administrer à la SFR et au Syndicat des ERHP avec Victor Bismuth et Maurice Laval-Jeantet. Nahum n'était pas AIHP, mais il n'en tirait nul complexe; je ne sache pas que ce « handicap », qui lui aurait porté ombrage dans certaines métropoles, l'ait affecté dans le déroulement de sa carrière hospitalo-universitaire parisienne, quel qu'en fut le stade. Il avait racheté la clientèle privée de Jean-René Michel lorsque celui-ci fut nommé à l'agrégation... mais il fit de même dès sa propre nomination de MCA-Radiologiste des hôpitaux à la faveur de l'article 66 (si ma mémoire est bonne) qu'il exerça exclusivement à plein temps jusqu'à sa retraite. L'homme était un grand humaniste charismatique. L'hommage circonstancié à l'histoire médicale, artistique et industrielle des rayons X qu'il rendit à la fin de son mandat de Secrétaire Général de la SFR de l'Île-de-France, fut un monument culturel exceptionnel de qualité; il est regrettable qu'il n'ait existé aucune édition sur papier, tant il fut exhaustif et présenté par le must des experts de l'époque, dont la conservatrice-en-chef du Musée du Louvre. J'eus également le bonheur d'être invité à l'excellent et émouvant hommage chansonnier qu'organisèrent pour lui Valérie Vilgrain et Yves Menu à l'occasion de sa prise de retraite officielle de chef de service.

2. Henri Nahum ne me tint pas rigueur lorsque je me présentai contre lui au poste représentant les ERHPs à la Commission Médicale Consultative de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris en 1982. Il fut d'ailleurs élu à la quasi unanimité des votants du syndicat des ERHP; il fut d'ailleurs porté à la présidence de ladite Commission où il fut consensuel et d'une redoutable efficacité. Plus tard, alors que nous discutions de cet épisode qui me mit sur la touche pendant plusieurs années que je passai en exil à Corentin Celton, ce qu'il considéra comme une « folie" à la Moreau, il en tira la conclusion que j'avais été le « levain indispensable à la maturation du processus de la panification, mais toujours sacrifié au stade de pain achevé » (sic). Il en résultera la montée au premier plan des postes de pouvoir de la génération des jeunes agrégés que furent Guy Frija, Philippe Grenier et Gabriel Kalifa. Il est vrai que je n'avais pas mis d'obstacle métaphysique à la défection de Philippe Grenier quand il accepta la proposition concurrentielle que lui fit Henri Nahum au détriment  de celle que lui fit Jean-René Michel. Philippe Grenier, qui avait fait sa thèse de doctorat avec moi et aurait été nommé partout contre toute défense, savait que je quitterais mon poste d'adjoint dès qu'il serait mis sur la liste d'aptitude pour qu'il soit nommé à Necker. Il fit de Beaujon un choix du cœur et de la raison qui fut à l'origine de quarante années de bonheur et d'inaltérable fidélité mutuelle entre le Maître et l'Elève. Nahum était le premier à admettre qu'il n'avait pas de crédibilité scientifique personnelle, mais il se fit un devoir de donner des outils efficaces et libérateurs à la pépinière de talents qui tiennent aujourd'hui nombre de postes-clé de la radiologie francilienne, nationale et internationale.

3. Lorsqu'à la Noël 1983, il me reçut dans son bureau pour écouter mes doléances de jeune patron, il accueillit avec autant de scepticisme que de bienveillance ma proposition de poser la candidature de la SFR à l'organisation du XVIe Congrès International ICR'89 à Paris en 1989. Il n'y croyait pas mais il fut très loyal avec moi quand il décida, au vu du succès du Congrès de l'AER de Bordeaux, d'inscrire le projet au Conseil d'Administration de la SFR et obtenir l'adhésion de Jean-Michel Bigot, Michel Bellet et François Eschwège à la constitution d'un noyau dur pour le résultat que l'on connaît quand, en juillet 1985, la délégation fut couronnée à Honolulu au premier tour. J'avais proposé trois candidats parisiens à la président d'ICR'89, Victor Bismuth, Clément Fauré et Henri Nahum. 
Ils étaient les seules vedettes aux compétences administratives et radiologiques reconnues internationalement, notamment dans le monde anglo-saxon; l'on sait que Maurice Tubiana fut un compromis mais Nahum fut à la tête honoris causa de la Section Radiodiagnostic dont je fus le président à l'ISR. 
Nahum entretenait des relations personnelles très actives et profondes avec Alexander Margulis et Joshua Becker, tous deux francophiles et désireux de favoriser les échanges franco-américains. C'est ainsi que Nahum me fit inviter par Becker à effectuer un Visiting Professorship au DownState Medical Center de Brooklyn, NY, en 1981. Jean-René Michel appartint au Comité scientifique de la revue Urologic Radiology, éditée par Becker, dans laquelle Philippe Grenier et moi-même publierons notre travail princeps sur les atrophies corticales segmentaires rein dont le retentissement fut considérable dans un monde dominé par les travaux impérialistes de CJ Hodson dont nous critiquions à juste titre la pertinence. https://www.researchgate.net/journal/0171-1091_Urologic_Radiology
Nahum me raconta que Margulis qui avait présenté un misérable papier au grand symposium international sur le scanner corps entier de Jean-Louis Lamarque à Montpellier et en avait été mortifié, vint s'épancher chez lui en quémandant des images qui ferait meilleure figure auprès des superbes images d'Albert Baert.
L'amitié profonde qui lia Nahum à Becker provenait de la traduction en français qu'il avait faite des livres de Lucy Frank Squire, son adjointe au DownState, et qui eurent un grand succès dans le monde francophone. Nahum n'a enregistré dans sa vie que des succès dans son œuvre éditoriale, notamment chez Flammarion, dont il se désolera toujours que je n'ai pas souhaité participer pour le plus grand renom d'Olivier Hélénon.

4. Nahum fut le témoin et acteur direct de la gravissime crise que j'ai eu à traverser en 1998, quand j'eus à faire face à l'asphyxie de mon glorieux service que j'avais construit à Necker dix ans auparavant, par une Assistance Publique-Hôpitaux de Paris incapable de gérer les conséquences désastreuses de la politique criminelle du budget global et du numerus clausus appliquée à un service dont la modernité futuriste avait été consacrée comme exemplaire en 1989. Pressentant une crise très grave qui affecterait mon admirable personnel médical et paramédical dans ses profondeurs les plus intimes, je demandai à Henri Nahum de réaliser un audit totalement objectif de mon service. Il rencontra, dans des entretiens confidentiels hors de ma présence, la totalité des agents et du staff, et rédigea un formidable rapport qui aurait dû me conforter dans l'idée que j'étais toujours le chef de service ad-hoc que tout le monde plébiscitait, à charge à moi d'être moins impliqué dans une politique internationale protéiforme qui m'usait prématurément. Malgré ses réticences puis sa réprobation quand je l'informai de ma décision avant de la porter dans le bureau voisin d'Yves Menu, président du syndicat des ERHP dont il connaissait la compétence mais redoutait les perversités, je décidai de ne pas solliciter le troisième et dernier renouvellement quinquennal de ma chefferie de service. J'ai souffert la douleur de cette décision au plus profond de ma chair mais j'ai évité l'issue fatale qu'aurait constitué un suicide spectaculaire dans mon bureau. Les conséquences ont été désastreuses pour ma réputation mais je lui dois ma survie physique et intellectuelle jusqu'à aujourd'hui.

5. Historien et muséologue patenté, Henri Nahum fut le Président-Fondateur de l'Association des Amis du Musée de l'AP-HP (ADAMAP) au début des années 2000. Je suivis d'autant plus près son action que mon épouse, l'ancienne infirmière Michèle Moreau, devint avec Nicole Hambourg sa trésorière. Tous les trois se réunirent régulièrement et s'entendirent comme larrons en foire pour lancer cette association pérenne. Nahum adorait les plaisirs de la vie. Il aimait les femmes et la gastronomie et celles-ci le lui rendait bien, notamment à l'Adamap. Il accepta que je prenne la rédaction-en-chef de la Lettre trimestrielle de l'Adamap où il publiait régulièrement ses éditoriaux. Il soutint également l'ouverture du site Internet www.adamap.fr en 2008, qui sera le support de la pétition internationale de 2010 salvatrice de l'existence du Musée de l'AP-HP, hélas provisoire, au sein de l'Hôtel de Miramion promis à une vente accélérée. Henri et sa femme joignirent la délégation de l'Adamap à la réunion de l'Association des Amis de Marey, aux hospices de Beaune, où je présentai une lecture sur la vie et l'œuvre de Gaston Contremoulins, figure méconnue de la radiologie qui avait créé le service de radiologie de Necker un siècle auparavant. C'est là que Nahum convainquit la conservatrice du musée de l'AP-HP, Anne Nardin, de ne pas s'opposer à mon élection à la tête de l'Adamap à la fin de son second et ultime mandat en 2009. Je tiens à rendre hommage à Henri Nahum pour le soutien constant et actif qu'il apporta à mes actions de sauvegarde du Musée et de ses collections de 2010 à 2012. L'Adamap avait réussi à faire inclure l'insertion du Musée dans le projet de transformation de l'Hôtel-Dieu de Paris présenté par Mme Mireille Faugère sous le chapeau des Professeurs Fagon et Lombrail. L'on sait que ce projet fut torpillé par une action de la gauche des personnels de l'AP-HP qui entraina le remplacement de Mireille Faugère par Martin Hirsch. Le nouveau projet de l'Hôtel-Dieu ne comporte pas de volet Musée. J'apprends le décès d'Henri Nahum alors que je m'apprêtais à lui téléphoner pour l'avertir de mon action donquichottesque destinée à sensibiliser l'opinion à l'idée de soutenir la création du Musée de la Santé dont il avait pu rêver à son retour de la visite éclairante qu'il avait faite à la Fondation Wellcome de Londres (https://wellcomecollection.org/). Nahum était un grand amateur de l'architecture et il me commanda un reportage photographique consacré à ce chef d'œuvre d'Art Nouveau qu'est la Faculté de Médecine des Saints-Pères qui fit les délices d'une Lettre de l'Adamap.

6. Henri Nahum accepta de se joindre à moi pour mener une action pour la création d'une Académie des Sciences Radiologiques entreprise en 2010. Michel Amiel de Lyon fut le troisième membre du trio qui lança le processus sous le toit du Centre Antoine Béclère où Nahum jouait le rôle de Parrain et auquel participèrent une bonne douzaine de représentant de la radiologie, dont le Dr Niney, président du Syndicat des ERQ, Jean-Michel Bigot, Alain Chevrot, Alain Laugier, et al. Le projet n'aboutit pas, mais il paraît qu'il fut le ferment de la création du G4 de la radiologie nationale qui est un grand succès prometteur pour la promotion fructueuse de l'imagerie médicale du XXIe siècle.

Voici, mes chers collègues et amis, ce que je voulais exprimer personnellement pour contribuer à l'unanime hommage justement laudateur qu'on ne manque pas de lui rendre en cette fin d'année 2019. J'émettrai à cette occasion un vœu corporatiste d'historien de la discipline frustré de ne pas voir s'approfondir et perdurer le culte des personnalités d'envergure de la discipline au sein des institutions telles que la SFR et le CERF. L'histoire de la radiologie nationale ne doit pas se limiter à l'exaltation légitime de notre ancêtre Antoine Béclère. Fort heureusement le Centre Antoine Béclère existe reconstitué dans la nouvelle Domus Radiologica. Ce n'est pas suffisant. Je me réfère à l'excellent mais parcellaire diaporama de la conférence sur l'histoire de la SFR donnée par David Krausé au symposium de l'ISHRAD de Bruxelles organisé en septembre dernier par René vanTiggelen, conservateur magnifique de l'exemplaire Musée de la Radiologie de l'hôpital de la Reine Astrid. Entre autres oublis, il omet de mentionner le rôle éminent de Jacques Sauvegrain dans le renforcement des relations internationales avec le monde anglophone, ce qui aurait été pertinent dans le cadre d'une société savante créée par les Anglais dont la langue officielle est l'anglais. Lorsque j'ai fondé l'ACSATIM (Académie des Sciences et des Arts de l'Imagerie Médicale), j'ai eu pour perspective de collecter le plus possible de documents audio-visuels permettant d'inscrire les noms vivants qui ont fait la radiologie contemporaine. C'est ainsi que j'ai pu présenter un hommage cinématographique à la mémoire de Victor Bismuth lors d'un dîner anniversaire du CERF; je me souviens d'avoir vu Henri Nahum se lever le premier des convives et faire applaudir cet éloge à l'unanimité. 
J'ai dans la collection de mini-cassettes l'enregistrement d'un entretien audio-visuel d'Henri Nahum qui trône en bonne place au côté de personnalités comme Clément Fauré, Jean-Claude Gaux, Madeleine Labrune, Guy Frija, Gabriel Kalifa et al. Je n'ai plus le potentiel intellectuel pour réaliser un podcast résumant les points forts de cet entretien mais je tiens l'enregistrement à la disposition de celui ou celle qui voudrait pallier à mes déficits. 

J'ai téléphoné à Henri Nahum, il y a quelques mois, pour lui parler de mes soucis d'à qui léguer mes archives qui sont riches en documents essentiels à la compréhension de phénomènes affectant l'histoire nationale et internationale de la radiologie du dernier quart du XXe siècle. Il m'avait suggéré de les léguer au Musée de l'AP-HP «  après les avoir classés pour qu'elles n'aillent pas à la poubelle » (sic). Je souhaite une réflexion officielle du G4 éclairant la volonté politique de la radiologie française d'assurer en les sécurisant la conservation des archives individuelles dans la mesure où elles ont un intérêt collectif. Je me souviens de Michel Bléry m'annonçant que les archives de la SFR qu'il avait alors en sa possession « avait péri dans l'inondation des sous-sols de Lariboisières » (sic). Je déplore l'inobjectivité et la petitesse de l'esprit humaniste des élites de la radiologie française qui trop volontiers s'expriment en censeur du politiquement correct coupeur de têtes aux dépens du magnifique panel de personnalités qui ont fait la grandeur et le renom d'une discipline majeure de la médecine qui a su survivre à des crises de débilitation comme celle qui a fait face à l'issue de la Seconde Guerre Mondiale. Le nouveau Centre Antoine Béclère offre-t-il davantage de crédit que l'ancien? A supposer que ses caves soient plus vastes en dimensions architecturales, je lui loin d'en être persuadé, mais je ne demande qu'à avoir tort. J'avais demandé à Henri Nahum au début de cette année d'écrire un commentaire pertinent sur mon dernier livre de Mémoires traitant des années 1968 à 1998; il avait rédigé son texte en toute indépendance et j'en ignorais le contenu; il me confia sa surprise de constater que Jean-Pierre Tasu, rédacteur-en-chef des Cahiers de Radiologie, ne l'avait pas publié dans cette revue; saurai-je un jour ce qu'il avait pensé de mon livre, en bien comme en mal?.

Pour conclure sans pour autant vous prier de m'excuser pour la longueur de cette contribution à l'éloge partagé à la mémoire de notre grand héros que fut Henri Nahum et gargarisé de longues phrases trop proustiennes, je vous prie d'accepter, chers collègues et amis, l'expression de ma haute considération la plus distinguée et de mes meilleurs vœux confraternels pour la Nouvelle Année 2020. Longue vie et prospérité à la radiologie française!

Jean-François Moreau, MD, AIHP, FACR (Hy)
Professeur Honoraire à l'Université Paris Descartes
Electroradiologiste Honoraire de l'Hôpital Necker



A RAVENSBRÜCK

LA PHARMACIE DE MARGUERITTE CHABIRON
A VERDELAIS ETAIT DANS CET IMMEUBLE

LES RESISTANTES S'ENFUIRENT PAR LE JARDIN A PIC