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Polonaise est un poème mi-amour mi-haine écrit à Gdans, Pologne, en mai 1992, sans l'aide d'un dictionnaire de rimes.

JFMA - 25 avril 2009 - J'ai écrit ce poème à Gdansk en Pologne en mai 1992. Je l'inclus dans la série Pouhaines bien qu'il ne soit vraiment marqué ni par l'amour d'une femme identifiée, ni par la haine de moi-même ou d'une autre, personne physique ou morale. Je découvrais un pays que je ne connaissais que par la charge héroïque des cavaliers polonais contre les panzers hitlériens qui avait marqué ma première enfance au point que je répétais à l'encan « Pauvre Pologne » durant ce mois de septembre 1939 qui allait expédier mon père à la guerre pour trois trimestres.
En 1992, je venais de participer à la fondation de l'European Society of Uroradiology (ESUR). Mon collègue et ami, le professeur Ludovico Dalla Palma, de l'Université de Trieste, Italie, présidait à la fois l'ESUR et l'European Association of Radiology. Grâce au support de la riche industrie italienne des produits de contraste, nommément Bracco s.p.a., il avait pu donner du corps au Halley Project, une entité académique créée pour assurer la formation des radiologues des Pays de l'Europe de l'Est récemment libérés du joug soviétique. J'appartenais à la demi-douzaine de professeurs anglophones de l'Ouest en charge de leur enseigner la radiologie urinaire. La première session eut lieu en Pologne en mai 1992.
Je partis de Paris pour Varsovie alors que se développait pour la première fois une grève des contrôleurs aériens allemands qui m'empêchera d'en connaître autre chose qu'une banale chambre de Novotel et son breakfast germanique au buffet. Gdansk, anciennement Dantzig, est un port de la Baltique alors célèbre pour avoir généré le leader du syndicat Solidarnosc, Lech Walesa, qui fut le premier canon de la destruction de l'Empire soviétique. Le printemps sur la Baltique était froid et brumeux. La ville elle-même, visitée en autocar, ne m'a pas laissé un souvenir impérissable sauf qu'elle était sobrement propre et digne. Le cours avait lieu dans un hôtel-casino rococo tel que le concevaient les soviétiques, sur une plage assez loin à l'est, face à la mer Baltique. Il était désert, sauf à considérer les deux prostituées hors d'âge, courtaudes, épaisses et grassement maquillées, habillées comme nos bourgeoises de 1945 aux Dames de France. Désœuvrées, elles végétaient au salon-bar sans illusions sur leurs capacités à séduire notre petit groupe professoral. Nos élèves étaient logés dans un hôtel voisin qui aurait fait passer un Formula1 pour un palace. Nous ne nous rencontrâmes qu'au déjeuner. Nous aurions pu socialiser avec eux plus fructueusement si nous avions pu parler allemand ou russe. Sauf exception, ils ne parlaient aisément ni le français ni l'anglais. Ils étaient dignement tristes, avec cette humble timidité qui est l'apanage de ces peuples autrefois brillants, aujourd'hui dépassés, incapables de comprendre comment ils allaient pouvoir franchir cet océan d'ignorance qui les séparait de nous. « Nous sommes désespérés... », me confia l'un d'eux, pressé par mes questions, que j'essayais de dynamiser en valorisant leur intelligence et leur sérieux. Partout ce sera la même chose, rencontre avec des jeunes gens pleins de potentiels ignorés, émasculés par l'abrutissement de la propagande totalitaire, qui avaient du mal à comprendre que ça n'allait pas tellement mieux à l'Ouest et qu'ils avaient leurs places respectives du fait de la complémentarité de nos lacunes et compétences respectives. En attendant, leur niveau de connaissance et de technologie en radiologie était celui de nos pères, médecins en 1945.
J'ai écrit ce poème en hommage à Aragon en me remémorant ce quartier Hohenzollern entre la Sarre et les casernes où fleurissaient les seins d'une Lola que je ne rencontrerai pas à Gdansk ni n'allongerai sur le canapé d'un bordel que je ne fréquenterai pas, pas plus que je ne la larderai de coups de couteau... Pour être franc, être Polonais à Gdansk en ce printemps-là était à se flinguer ou à défaut se blinder à la vodka, locale la meilleure de toute, parait-il. Les mots en ule me sont venus faciles, sans l'aide d'un dictionnaire de rimes, je tiens à le préciser, allongé que j'étais sur un lit miteux, éjaculés comme on se branle pour passer le temps quand on s'emmerde dans un voyage sans femme.
Cette année-là, j'irai avec ce Halley Project à Budapest où je nous ferai connaître la ville tzigane que les Magyars méprisent. Je manquerai Prague, hélas! Mais j'irai à Bucarest à deux reprises. J'y pousserai l'audace jusqu'à aller me promener seul autour du palais ahurissant construit par le « fou », le dictateur déchu Ceausescu ; la quinzaine de mètres de couloir que je parcourus à l'intérieur dans une semi-obscurité tenait déjà du coupe-gorge ; je compris pourquoi le Club Med n'avait pas acquis un immeuble dément que même le comte Dracula aurait fui.
Je trouverai mon plus grand bonheur à Sofia, capitale ramassée d'une Bulgarie paisible et douce. Je me reconnaissais au milieu de ces slaves méridionaux qui souriaient à l'idée qu'ils deviendraient des citoyens à part entière d'une Europe présidée par François Mitterrand. D'où extrayaient-ils toutes ces gâteries qu'ils nous offraient à l'excès, à commencer par un beurre rance dont j'avais perdu le goût depuis la Libération ? Ils perçurent ma sympathie cordiale et m'invitèrent une seconde fois en 1995 pour me nommer, une fois n'est pas coutume, Honorary Member of the Bulgarian Society of Radiology. J'en pleurai d'émotion, ce qui fut apprécié, car me dit une charmante Bulgare, « nous sommes slaves et pleurons aussi facilement que nous rions ».
Devenu Honorary Treasurer of the European Federation of the Societies for Ultrasound in Medicine & Biology (EFSUMB) en 1993, j'aurai encore plus de contacts avec les pays de l'Est, notamment avec la Hongrie. Leurs situations politiques et financières n'ont plus guère de secrets pour moi. Ils abordèrent les suites de la chute du Mur de Berlin d'abord avec naïveté, en se faisant beaucoup d'illusions sur la prospérité occidentale et leurs aptitudes à la copier; échaudés, ils en revinrent et se reconvertirent dans la filouterie !
J'avais découvert le communisme européen lors de mon voyage de noces en Yougoslavie en 1964. Je ne suis plus revenu dans un ex-pays communiste depuis juin 1999 quand je fus invité à Ljubljana, capitale de la Slovénie. Un pays charmant qui commençait « à s'en sortir ». J'y donnai une médiocre conférence pédagogique. Il était temps pour moi de raccrocher. Ce sera la dernière de ma vie académique.

A RAVENSBRÜCK

LA PHARMACIE DE MARGUERITTE CHABIRON
A VERDELAIS ETAIT DANS CET IMMEUBLE

LES RESISTANTES S'ENFUIRENT PAR LE JARDIN A PIC