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De : Jean-François Moreau <jf@jfma.fr>
Objet : PCI
Date : 12 janvier 2020 16:20:22 HNEC
À : Bruno Bonnemain <bruno.bonnemain@wanadoo.fr>

Re-bonjour, cher  BB,

Je trouve dans un second temps ce chapitre de mes "Mémoires courtes"  consacré à ma pratique des produits iodés, tant clinique qu'expérimentale. Vous pourriez le retrouver sur mon site www.jfma.fr à la page histoire de la radiologie et à celle dédiée aux produits de contraste.
Vous y êtes cité nominalement du fait du mémoire d'Elisabeth Attlan qui fut d'autant plus courageuse qu'elle était allergique aux poils de lapin!
Bien à vous,
Amitiés,
JF MOREAU

2/13/- Des produits de contraste radiologiques

 

Depuis le Contrast Media Symposium de Lyon en 1981, j'étais l'expert incontournable de la radiologie française en matière de produits de contraste iodés. J'avais la responsabilité de l'enseigner au sein du Diplôme d'Etudes Spéciales (DES) et du Diplôme d'Etudes Approfondies (DEA) d'Imagerie Médicale. J'étais consulté en permanence par l'Assistance Publique, notamment lors de la commission d'achat de ces produits dont le budget se chiffrait en dizaines de mégafrancs gérés par la Pharmacie Centrale. J'étais loin de faire l'unanimité auprès de mes collègues comme auprès de l'industrie multinationale, représentée par les quatre grands Européens, Bracco de Milan, Nycomed d'Oslo, Schering de Berlin et Guerbet d'Aulnay-sous-Bois, Il fallait se référer d'abord à la qualité des soins : c'était la compétition de la décennie 90 entre - rappelez vous l'angoisse de Woody Allen dans « Manhattan », quand on lui pose la question avant de réaliser une scanographie du crâne « ionics ? or non ionics ? », la valeur diagnostique respective de ces produits se mesurait en nuances, depuis que les di-iodés avaient été totalement supprimés de la pharmacopée occidentale. Le débat concernant leurs toxicités respectives s'étalait sur tout le marché mondial, avec des arguments parfois biaisés par trop de sous-entendus commerciaux. Il n'y avait aucune raison de dénigrer l'industrie française. Lui réserver une part significativement élevée du gâteau était  parfaitement logique, dans la mesure où la qualité industrielle de ses produits était irréprochable ; elle avait le monopole de la filière des triodés ioniques de faible osmolalité, spécialement appréciée des angiographistes et de certains uroradiologues, de Necker notamment. Il n'y avait pas non plus à lui consentir le monopole étendu à la totalité du marché de l'AP-HP ; j'avais toujours prôné une officieuse « loi anti-trust », souhaitée par « Guerbet » elle-même. Guerbet et Schering s'en partageaient le marché des ioniques tri-iodés de forte osmolalité qui ira se contractant, mais conservera à mes yeux des indications respectables, justifiant la poursuite de leur synthèse, Il en allait de la santé médicale et financière, certes de la radiologie française mais surtout des démocraties européennes de l'Est, incapable d'assumer le passage direct aux non ioniques, alors encore hors de prix, même aux USA. Je me voyais mal aller semer la bonne parole avec deux conférences, l'une pour les capitalistes de l'Ouest, l'autres pour les encore et pour longtemps prolétaires de tous les autres pays. Je m'honorais d'une réputation d'incorruptible, sur laquelle s'assoyait mon autorité morale ; si je voulais la garder, le moins que je devais faire était de donner l'exemple dans mon propre service, en appliquant toutes les conclusions de mes expertises officielles. Je passerai à côté de la fortune, mais tant pis moi... et aussi pour mes collaborateurs qui n'auraient pas vu d'un mauvais œil que je prône une politique moins complexe à appliquer sur le terrain. Apôtre du libéralisme à visage humain, je ne me mêlais jamais de leurs options prises dans leurs activités privées hors de Necker.

 

Jean Tramalloni, très investi dans les problèmes de médecine légale appliquée à la radiologie, avait fondé une Association loi 1901, l'AMPER, qu'il me demanda de cautionner. Le but était noble et il connaissait mes inflexibilités. Nous commençâmes notre action avec un petit symposium ouvert un samedi d'octobre 1990, qui devait faire la synthèse des connaissances en matière de chimie, de biologie, de radiodiagnostic et de risques médico-légaux. Il fit appel à un Professeur de droit, également médecin légiste, Jean Penneau, qui replaça les craintes confinant parfois à la psychose de certains radiologues anxieux de l'évolution des mœurs des malades français, suivant parfois l'exemple délétère des Américains. De mon côté, je fis appel comme toujours à l'expert du Sou Médical, l'excellent ??? Alméras, qui était alors le plus averti de la réalité du terrain jurisprudentiel ; Le point crucial était et sera toujours les limites raisonnables à donner au « consentement éclairé du malade ». La controverse en matière de prémédication anti-atopique restera insatiable, malgré certaines tentatives de la part des sociétés savantes et de certains lobbys médico-industriels. Une conférence sous l'égide de l'ANDEM, destinée à rallier l'unanimité en matière de recommandations et de bonnes pratiques, me placera dans l'opposition car je ne me reconnaissais pas dans les options prises par mes collègues œuvrant dans d'autres structures que celles de Necker. Ma légitimité était fondée par la très longue expérience de coopération avec le département d'anesthésie-rénimation, notamment grâce aux protocoles rédigés et appliqués avec rigueur et efficacité par Louville et Cazalaa, les immuno-allergologistes et les néphrologues.

 

Fort heureusement pour les malades qui pourraient être terrifiés par ces propos, la létalité, bien que nous sachions que nulle part elle ne fut, n'est et ne sera nulle, et que partout elle était et restera minime, quels que soient les produits utilisés et quelles que soient les techniques du radiodiagnostic. La morbidité par accidents graves résolutifs sous traitement des collapsus est bien contrôlée par la grâce de la politique pluridisciplinaire - extraordinaire de ténacité, de profondeur et de compétence - de formation universitaire et post-universitaire des diverses catégories de praticiens, prescripteurs et réalisateurs, menée en France, toutes chapelles confondues.  Tenues des pharmacopées et du matériel de secours basiques dans les installations de radiodiagnostic, protocoles de réanimation d'urgence, approche psychologique des malades avant pendant et après l'alerte, responsabilisation des SAMUs et des SMURs, actualisations des polices d'assurances professionnelles, tous ces composants concourent à dédramatiser l'ambiance dans les installations d'imagerie médicale. Nul ne devrait oublier que l'axiome de Colliez, à propos de l'UIV, peut s'appliquer à toutes les investigations de radiologie diagnostique et interventionnelle « il meurt plus de malade mort par défaut de prescription d'examens de radiologie qu'il n'en meurt par injections de produit de contraste ». L'expansion constante depuis trente ans des actes de radiodiagnostic n'aurait pu se moduler sur le mode exponentiel, si les dangers avaient été aussi grands et fréquents que certains le pensent voire le disent. La tenue informatique des dossiers médicaux des malades suivis dans des services comme celui que j'ai dirigé à Necker permet d'exhiber les bases statistiques des argumentations sur lesquelles je me suis appuyé durant toute ma carrière active. Sans doute ai-je été porté par la vague du succès grâce à ma formation initiale de médecin de campagne et par la force d'âme de mon maître en la matière Jean-René Michel.

 

Installé à Necker, je repris mes travaux sur la néphrotoxicité des opacifiants iodés. Toujours à la recherche d'une explication à donner au phénomène de vacuolisation tubulaire, je butais toujours sur la difficulté de trouver un modèle expérimental animal réagissant comme le rein de l'homme. Cette opiniâtreté déplaisait profondément à l'industrie, qui avait mal supporté certaines conclusions contredisant leur désir de faire passer certains de leurs produits, spécialement les nonioniques, pour dénués de toxicité biologique. Les Américains en tenaient compte, à leur grand dam. Je confiai Nadine Lebo, une de mes chefs de clinique, à Joël Chabriais pour qu'ils étudient l'hémodynamique d'un dimer hexaïodé non ionique sans avenir commercial dans le rein de lapin; c'était une occasion d'étendre les applications du traitement d'imagerie dynamique par le logiciel d'analyse factorielle mis au point dans le laboratoire de Robert di Paola ; cette expérimentation permit de mettre en évidence une dissociation des courbes du transit intra-tubulaire, susceptible d'expliquer le phénomène de pinocytose cellulaire responsable de la néphrose osmotique. 

 

Élisabeth Attlan avait décidé de suivre mon conseil de valider un DEA. Je la confiai à Bruno Bonnemain, directeur de la recherche chez Guerbet, pour qu'il la mette en condition idéale de réaliser un travail expérimental servant de mémoire, en complément de la formation théorique. Le règlement imposait au candidat la totale maîtrise de son protocole, les tuteurs ne servant qu'à vérifier l'exactitude des résultats. Elle apprit donc à travailler « sur la paillasse » les reins de lapin. Son sujet retint l'attention du jury qui lui octroya une mention. Je présentai en son nom ses conclusions au Contrast Media Symposium de Turku, Finlande.

A RAVENSBRÜCK

LA PHARMACIE DE MARGUERITTE CHABIRON
A VERDELAIS ETAIT DANS CET IMMEUBLE

LES RESISTANTES S'ENFUIRENT PAR LE JARDIN A PIC