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Radiologie gériatrique. Conférence prononcée aux Entretiens de Bichat le 11 septembre 2000.

Ce document résume les fondamentaux de la radiologie gériatrique telle qu'elle se présentait en l'an 2000 lorsque se déroula la session à elle dédiée lors des Entretiens de Bichat en date du 11 septembre. D'une certaine façon elle est une des pièces majeures de mon testament médical et intellectuel.


Le concept de radiologie gériatrique est né à l'hôpital Corentin Celton, à Issy-les-Moulineaux, lorsque je succédai à la tête du service de radiologie à la retraite de mon collègue Jean-Pierre Denis le 1er octobre 1982. La paternité de l'idée appartient en fait au docteur Jacques Bernard, ancien chef de service de l'hôpital Broussais, qui, dès qu'il apprit ma prise de fonction, vint m'apporter quelques feuillets résumant sa réflexion et m'encourager à la formaliser à l'instar de la radiopédiatrie. Pour être très franc, je n'avais pas eu besoin de lui pour y penser mais il fut le seul de sa génération avec moi à y donner du sens durant le XXe siècle et je suis heureux de lui en donner acte.

Est-ce parce que j'eus la chance d'avoir d'excellents grands-parents ? J'ai toujours aimé les « vieux », on disait les « vieillards » dans ma jeunesse. Dès qu'il sut que je m'inscrivais en PCB en 1955, mon grand-oncle François Mathieu me conseilla de devenir gériatre. Il fut un grand ingénieur, amateur de la vie, des femmes, des grosses bagnoles et du chocolat de la maison Bonnat à Voiron; il avait été pilote d'hydravion pendant la guerre de 14-18 et vola trinquer avec les marins de la base de Mourmansk. Bref, il fut un homme viril, mais hélas pour lui et ses proches, souffrit d'une broncho-pneumopathie chronique qui l'asphyxiait jusqu'à ce que sa mort l'en délivre en 1962 à Grenoble . Il avait compris qu'il se serait mieux porté si un médecin comprenant les hommes du troisième âge avait su prendre en charge les organes malades de ses nombreux systèmes corporels devenus progressivement déficients; il n'en avait pas trouvé.

Etudiant en médecine à Rennes puis externe des hôpitaux de Paris,  je découvris petit à petit que je n'étais pas fait pour la pédiatrie ; paraphrasant WC Fields, j'en vins à penser qu'un homme qui hait les enfants malades ne peut pas être foncièrement mauvais à la condition de ne pas consacrer sa vie à vouloir les soigner quand on n'y est pas disposé. Nommé à l'internat des hôpitaux de Paris, l'idée de devenir gériatre redevint d'actualité. J'allai consulter mon maître Maurice Deparis qui régnait avec amour sur les « divisions » de l'hôpital de Bicêtre pour lui en faire part. Il me regarda d'un air éberlué et sanctionna ma déviance par un rédhibitoire « Vous êtes fou ! ». Si lui n'y croyait pas, alors pourquoi moi ? Aucun patron de l'Assistance publique à Paris, sauf un peut être à Brévannes, ne voyait dans les hospices autre chose que des « mouroirs » pour y expédier, une fois guéris de leurs accès aigus, leurs gérontes hospitalisés dans leurs lits devenus "inintéressants", c'est-à-dire gênants pour tous.

Devenu radiologiste des hôpitaux en âge d'être patron, c'est-à-dire chef de service, le 1er octobre 1982,la seule raison qui me conduisit à l'hôpital Corentin Celton, l'ancienne maison de retraite des Petits Ménages, fut de créer la radiologie gériatrique à partir de rien. Nul n'y avait songé au point de lui donner corps avant moi. J'avais entendu en décembre 1980 au Moffit Hospital de San Francisco, Robert N Berk, chairman de l'UCSD, donner une remarquable conférence sur les problèmes de l'accès aux examens radiologiques de la population californienne vieillissante, mais, quand je l'interrogeai plus tard, il refusa de s'en souvenir. Créer la « Geriatric Radiology » aux USA signifiait se mettre à dos l'American College of Radiology totalement allergique à l'idée de créer de nouvelles « subspecialties ». Libre au Français assez fou pour s'engager dans ce combat suicidaire sans issue d'y risquer dérisoirement sa carrière, mais sans lui. Je relevai le défit et obtins de mon collègue et ami, le professeur Marc Levesque, de l'hôpital Louis Mourier, d'inscrire une première conférence sur ce sujet aux Entretiens de Bichat de 1984. Il fut le seul de la décennie à comprendre l'intérêt et l'importance de ma démarche utopiste pour un futur bien lointain. Que ne m'avait-il pas dit, Mr de S***, grand manitou de la politique médicale de l'AP, quand il apprit que, pour la première fois de l'histoire de l'institution et sans doute en France, un Maître de conférences agrégé-radiologiste des hôpitaux plein-temps - on ne disait pas encore PU-PH - voulait s'installer dans un hôpital dit de « moyen et long séjours » : « Vous ne pouvez pas les laisser mourir tranquille ! ». Dans un certain sens, il avait certes raison, mais le problème était beaucoup moins la prolongation quantitative de la vie des troisième et du quatrième âges que la compréhension des mécanismes du vieillissement des adultes et la prévention des handicaps et de l'invalidité qualitativement insupportables chez les humains. La radiologie devenant imagerie médicale en serait le moteur de la recherche le plus puissant. Je proposai de créer sous la chapelle une sorte d'institut à elle dédié, équipé des toutes les techniques disponibles ou à venir, scanner, IRM et bientôt la caméra à positron (le Pet-scan d'aujourd'hui). Quelle horreur, le prêtre m'aurait sans doute excommunié, les laïques déporté à Kourou ! Quelle erreur ? J'hésitai longuement à effectuer toute ma carrière à Issy. Je serais aujourd'hui l'un des grands hommes du XXIe siècle car j'aurais réussi à formaliser ce projet au bout d'un temps X ou Y, mais à quel prix ? D'interminables années de déshérence - galère - alors que, si je mutais à Boucicaut, j'étais sûr de donner de l'envergure à mon école avant de retourner à Necker ou de m'inclure dans l'hôpital du XVe. Le succès de la campagne en faveur d'ICR'89 à Paris fut l'argument déterminant de ma décision de quitter Corentin Celton, je suis sentimental, le coeur gros.

Ma collègue et amie Janine Pradel-Raynal prit ma succession à Corentin Celton le 1er octobre 1985. Elle fit du service de radiologie un petit bijou et reprit à son compte le concept de radiologie gériatrique. Tous deux associés, j'imposai à ICR'89 la création pour la première fois au monde dans un congrès international d'inclure une session entière dédiée à la « geriatric radiology ». Elle fut programmée le 4 juillet 1989. J'aurais dû la présider avec M Paul Capp (Tucson, Arizona) mais le secrétariat général la fixa (étourdiment ?) » au même moment où se tenait la General Assembly of the International Society of Radiology, que je ne pouvais snober compte tenu des fonctions au sommet que j'y exerçais avec Maurice Tubiana. L'on me dit que la session obtint un grand succès à la fois d'audience et d'estime. Robert N Berk me remplaça. Je leur avais adjoint la gériatre anglophone d'Amiens, Yolande Grumbach, épouse de mon collègue et ami Yves Grumbach, pour animer la table ronde. Je relis ce jour le programme de ce moment fondateur de la discipline, fait d'une dizaine de présentations originales. J'en suis très fier, notamment de la communication de Janine Pradel-Raynal à qui j'avais suggéré d'étudier par des radiographies simples et une échographie abdominale la pathologie de la population nonagénaire de Corentin Celton. La journaliste néozélandaise de la revue Diagnostic Imaging International, Colleen Rodgers, passionnée par le sujet, me demanda de publier un article en anglais introduisant le concept ; ce fut « It is time to invent geriatric radiology ».

A la retraite de Janine en 1991, je revins diriger le service de radiologie de l'hôpital Corentin Celton. Titulaire à l'hôpital Necker, ce ne pouvait être qu'à titre intérimaire, mais vite je devins vice-président du CCM. Grâce à son président, Marc de Praingy, et à l'exceptionnelle directrice de l'hôpital, Madame Grenouilleau, je pus donner tout son essor à la radiologie gériatrique. Le docteur Elisabeth Attlan, une remarquable radiologue échographiste, finissait ses quatre années de clinicat à Necker en 1993; je lui proposai d'être mon adjointe puis de devenir le futur chef de service quand elle serait en âge d'être une PH (Praticien Hospitalier) aguerrie ; elle aimait bien soigner les vieillards ; elle accepta les contraintes que cela imposait, notamment de transpirer sur des lapins au poil desquels elle était allergique pour effectuer un DEA d'imagerie sur les produits de contraste, diplôme indispensable pour cette promotion ; pour l'aider, je lui adjoignis Anarosa Venegas-Ratto puis Patrick Devernois. Elisabeth Attlan devint chef de service au début de 1999.

Parmi d'autres, à cette époque inhumaine pour les médecins de l'AP-HP soumis aux absurdités du budget global et aux mesures les plus révoltantes autant qu'illusoires de la maîtrise des dépenses de santé, je commis une erreur : je ne crus pas assez à l'imminence de la réalisation du nouveau Corentin Celton. J'eus tort sans que cela ne porte de conséquence que sur mon ego qui bien sûr n'en souffre pas. Aujourd'hui, cet hôpital existe et peut prétendre à être l'exemple à suivre en matière d'hôpital de moyen et long séjours. Je l'ai visité une fois encore le 6 avril dernier. Elisabeth Attlan y dirige un service d'imagerie médicale moderne dont le fleuron va être le scanographe à 128 barrettes de Siemens qui va y être installé dans les semaines à venir : j'en ai vu les plans ainsi que le trou dans le mur attestant que les travaux sont en cours. Seule incertitude : lui donnera-t-on les médecins capables de mener la recherche de pointe à mener parallèlement avec les soins cliniques que requièrent les huit cents malades hospitalisés et les consultants? le personnel paramédical sans lequel les médecins ne sont rien ? Si rien de politiquement véreux ne vient obérer ce projet, gageons qu'Elisabeth Attlan, qui fête aujourd'hui ses cinquante années de vie terrestre, sera dans moins de dix ans l'une de radiologistes les plus en vue de la profession.

12 avril 2009.

A RAVENSBRÜCK

LA PHARMACIE DE MARGUERITTE CHABIRON
A VERDELAIS ETAIT DANS CET IMMEUBLE

LES RESISTANTES S'ENFUIRENT PAR LE JARDIN A PIC