3.6.                  LES PRODUITS DE CONTRASTE DE FAIBLE OSMOLALITÉ 

 

Une nouvelle fois le progrès avançait en pleine période de troubles économiques. Le premier choc pétrolier en 1973 avait eu entre autres conséquences une sensibilisation naissante du corps médical au problème de la surconsommation et à la nécessité d'envisager une meilleure gestion financière de son activité. Cela tombait mal car on allait avoir à faire face à de nouveaux investissements coûteux. L'Amérique du Nord nous inondait de papiers sur l'imagerie médicale et le rapport coût-efficacité des examens qu'ils produisaient, à l'instar de Barbara McNeil pour les hypertendus et de Morton Bosniak pour les masses rénales. 

 

3.6.1. ÉLOGE DU LABORATOIRE GUERBET 

 

À la fin du printemps du mois de mai 1976, le Laboratoire Guerbet invita une quinzaine de radiologues français à une réunion confidentielle dans ses locaux d'Aulnay-sous-Bois. Une nouvelle molécule iodée venait de naître. La radiologie française peut se féliciter d'avoir une remarquable firme pharmaceutique capable de lui fournir les résultats de travaux de recherche originaux reconnus dans le monde entier. 

 

 Un pharmacien du nom d'André Guerbet avait eu l'idée, au début du siècle dernier, d'émulsionner l'iode estérifié dans de l'huile d'œillette, une préparation non agressive pour le corps humain, offrant ainsi aux thérapeutes le « LIPIODOL » ; qui était prescrit contre les rhumatismes et l'artérite. Jean Forestier, l'interne du neurologue de Necker, Jean-Athanase Sicard, découvrit tout à fait par accident que si l'on injectait du lipiodol dans le liquide céphalo-rachidien, on pouvait, sans réactions nocives, obtenir une image radiologique indirecte du cordon de la moelle épinière. Par ce biais, la neuroradiologie fit un spectaculaire bond en avant.

 

 Le lipiodol fit la fortune du laboratoire Guerbet qui, intelligemment, s'investit dans la recherche radiologique. Les produits de contraste triiodés que nous avons vu naître en 1952, étaient ubiquitairement utilisées dans les années 70, et sont toujours disponibles en pharmacie. La radiologie en éprouve les inconvénients par la dilution exagérée de l'iode dans l'urine du fait de la diurèse osmotique, d'où une mauvaise qualité relative de l'UIV. Le malade en éprouve les désagréments précédemment décrits. Guerbet mettait à notre disposition une molécule faite d'un dimère hexa-iodé ionique, quatre fois moins hypertonique, l'Hexabrix. Il nous demandait de l'essayer. Les résultats dépassèrent toutes les espérances. Le contraste urographique était superbe. Les réactions vasomotrices étaient moins intenses lorsque l'injection était faite par voie intraveineuse. 

 

 L'injection dans une artère était pratiquement indolore. Je me souviens encore de l'émotion que nous avons ressentie lorsque nous avons constaté cette propriété. Nous faisions régulièrement des artériographies pour étudier les fistules faites au bras entre une veine et une artère pour assurer les séances d'hémodialyse. L'injection était atrocement douloureuse et le plus spartiate des hémodialysés ne pouvait s'empêcher de hurler à pleins décibels. Éberlué puis hilare, le premier dialysé qui reçut la dose d'Hexabrix dans sa fistule regarda sa main immobilisée et ne ressentit rien d'autre qu'une petite chaleur locale. Je m'empressai de publier ces résultats enthousiasmants, dans la rubrique des Lettres à l'Éditeur que venait d'ouvrir La Nouvelle Presse Médicale qui adoptait un nouveau look pour s'adapter à la mode anglo-saxonne et garder une capacité d'information scientifique attractive.

 

3.6.2. LE MÉTRIZAMIDE: LES NON-IONIQUES DÉBARQUENT DE NORVÈGE 

 

 Cependant que se développait cette expérimentation, je reçus une lettre provenant d'un laboratoire d'Oslo me demandant si je pouvais étudier pour eux la toxicité rénale d'une molécule iodée également faiblement hypertonique, mais d'une famille chimique différente, les monomères nonioniques triiodés. L'« Amipaque » avait été présenté à Madrid en même temps que le travail d'Hounsfield. La molécule en question, instable en solution, devant être stockée en cristaux à dissoudre extemporanément avant utilisation, était destinée à l'étude du système nerveux et coûtait un prix exorbitant. Après un voyage à Oslo qui permit de mettre au point un protocole, ils me livrèrent une grande quantité de poudre qui, paraît-il, valait son poids d'héroïne la plus pure. Avec l'Hexabrix français et l'Amipaque norvégien, je disposais de moyens destinés à vérifier que la lésion des tubes rénaux que nous avions décrite était bien un symptôme et non pas la cause d'une intoxication rénale provoquée par les produits de contraste radiologiques, une sorte d'indigestion. J'avais là un très beau travail de dimension internationale qui était aussi le symbole d'une bonne collaboration multidisciplinaire. Il était important de démontrer aux jeunes radiologues qu'il était possible de faire de la très bonne recherche scientifique, à la condition de travailler en milieu interdisciplinaire. Je publiai ces résultats dans une lettre à l'éditeur de The Lancet. Dominique Droz et Laure-Hélène Noël s'engagèrent à fond derrière moi pour profiter de la découverte récente de la capacité de la souris expérimentale Swiss-IFFR à créer très facilement des néphroses osmotiques et tester nos nouvelles molécules. 



A RAVENSBRÜCK

LA PHARMACIE DE MARGUERITTE CHABIRON
A VERDELAIS ETAIT DANS CET IMMEUBLE

LES RESISTANTES S'ENFUIRENT PAR LE JARDIN A PIC