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Interview du Dr Karen Kinkelpar Jean-François Moreau, autour de l'an 2000

 

JFM : Karen Kinkel, pourquoi et comment devient-on interne des hôpitaux de Paris quand on est de nationalité allemande ?

 

KK : Je suis née à Frankfort-sur-le-Main d'une mère polyglotte qui voulait que sa file parlât français. Elle m'a inscrite au lycée franco-allemand de Franckfort dès l'âge de dix ans et j'ai eu un enseignement qui était jumelé avec Lyon. Adolescente, je suis tombée amoureuse d'un ingénieur lyonnais, il était donc naturel que je m'inscrivis à la Faculté de Lyon. Il y avait alors un numerus clausus en Allemagne et l'on ne m'a accepté que quand j'eus démontré qu'une place de médecin m'attendait. Mariée, je me suis appelée Meunier et c'est sous ce nom que j'ai passé l'internat de Paris avec succès. Mon mari était appelé à voyager un peu partout. Je l'ai accompagné à la Guadeloupe et c'est là que j'ai découvert l'obstétrique et l'échographie fœtale. J'ai fait trois semestres d'internat en obstétrique mais avec un rythme d'une garde tous les deux jours et un week-end sur deux, j'ai fini par burn-outer. J'ai pris une année sabbatique à Barcelone où j'ai travaillé comme photographe dans une revue artistique et rencontré celui qui deviendra mon second mari plus tard. Vous comprenez mieux maintenant pourquoi je suis capable de m'exprimer dans six langues, l'allemand, le français, l'anglais, l'italien, l'espagnol et le catalan.

 

JFM. Pourquoi la radiologie ?

 

KK. J'aime l'image et j'ai eu l'impression que je pouvais lier et la médecine clinique et les techniques d'imagerie à travers cette spécialité. J'ai fait jouer mon droit de remord et j'ai commencé mon cycle de DES chez Guy Frija à Boucicaut, puis chez Dominique Vadrot et Jean-Noël Buy à l'Hôtel-Dieu, Daniel Vanel à l'IGR. J'ai alors envoyé des courriers aux patrons parisiens pour trouver un poste de CCA que j'ai finalement obtenu chez Jean-François Moreau à Necker pour lancer le programme d'imagerie de la femme qu'il voulait y créer ex nihilo. Pendant l'année de transition imposée pour attendre que la place se libère, j'ai passé un an supplémentaire à l'IGR comme attaché de recherche clinique. CCA, j'ai découvert que j'aimais à la fois la radiologie interventionnelle, la recherche clinique et l'enseignement. J'ai eu la responsabilité du lancement du DIU d'imagerie mammaire et j'ai formé deux internes qui ont fait leur chemin depuis dans l'imagerie de la femme, Bénédicte Vincent, maintenant radiologue libérale à Nantes, et Corinne Balleyguier, aujourd'hui radiologue à l'IGR de Villejuif. À tort ou à raison, à court ou moyen terme du moins, je ne me voyais aucun avenir en France. L'Amérique et la Californie m'attiraient. J'ai rencontré Hedvig Hricak, professeur de gynécologie et de radiologie, épouse du fameux Alexander Margulis alors recteur de l'UCSF, qui avait lu mes publications sur l'imagerie de l'appareil génital féminin et que j'intéressais parce qu'elle voulait également créer l'imagerie de la femme à l'ucsf.

 

JFM : Sur quelles bases votre contrat s'est-il développé avec cette femme aujourd'hui à la tête d'un énorme projet sur le cancer de la prostate au Sloane-Kettering de New-York ?

 

KK : Hedvig Hricak m'a proposé de prendre la direction d'un projet qui touchait à l'imagerie de la femme, mais elle m'a d'abord imposé de m'inscrire à un certificat de statistique de l'UCSF qui coûtait 10 000 dollars, une somme que ma maigre bourse française ne me permettait pas d'assumer. Du coup elle m'a trouvé un petit boulot puis je suis devenu Assistant Professor, l'équivalent des CCA en France. Je reconnais à Hedvig Hricak d'énormes qualités, notamment parce qu'elle ne conçoit ses projets qu'à partir du moment où ils s'articulent avec un problème clinique à résoudre dans l'intérêt des patients ou de la médecine de soins. C'est une femme très dure qui, une fois le projet défini et bien engagé, vous laisse vous débrouiller jusqu'à ce qu'elle vienne disséquer vos résultats. (raconter l'histoire des 3 K et la confrontation avec la FDA). J'ai eu beaucoup de succès dans mes publications et, au bout de trois ans, on m'alors proposé de devenir Associate Professor, une tentation évidente mais qui m'imposait de passer les examens de qualification nationaux et fédéraux et obtenir ma reconnaissance par l'American Board of Radiology. J'y pense encore avec nostalgie car l'idée de devenir californienne correspondait à une vision exacte de la qualité de la vie à laquelle je suis attachée, mais cet effort qu'on me proposait de mener sur deux ou trois ans - refaire mes études de médecine et justifier d'un savoir et d'une compétence - ne pouvait plus me satisfaire. Je me suis mise à la recherche d'une situation stable en Europe en envoyant des lettres de candidature un peu partout. C'est de Suisse que j'ai reçu les propositions les plus intéressantes pour moi, car, ne l'oubliez pas, je suis toujours allemande et mon second mari est italien. L'hôpital cantonal de Genève avait un très beau projet de création d'un secteur d'imagerie de la femme que son chairman, François Terrier, malheureusement décédé depuis d'un mélanome foudroyant, ne put concrétiser. J'y ai passé trois ans et obtint mon Privat Docent, c'est-à-dire une reconnaissance de mes aptitudes universitaires au niveau des MCU français. Mais, devenue mère de famille, j'ai accepté une situation originale offerte par une clinique privée de Genève - la Clinique des Grangettes - qui me proposait de créer un secteur d'imagerie de la femme à l'identique sur un matériel déjà installé (mammographe numérique et IRM, en plus du CT-scanner et, bien entendu, de l'échographie). 

 

JFM : en quoi cette situation est-elle originale ?

KK : Je n'ai pas le titre de Professeur Associé, mais je suis payé à raison de 20 pour cent de mon temps pour faire de l'enseignement.

A RAVENSBRÜCK

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