5.3.2.   ADELAIDE, SOUTH AUSTRALIA, octobre 1980

 

Mon ami Joseph Sabto, l'ancien néphrologue de Necker, maintenant fixé à Melbourne, était en année sabbatique à Londres. Il avait prévenu la radiologue de son hôpital de ma participation au congrès de Perth. Nina Sacharias se présenta à moi un matin. Originaire de Riga, en Estonie, elle avait émigré après la seconde guerre mondiale et épousé un anesthésiste réanimateur anglo-égyptien. Elle parlait en roulant les r et ponctuait ses phrases de funny et de dreadful définitifs. Elle m'invita à passer deux jours chez elle à Melbourne. Geoffrey Benness avait fait sa réputation de scientifique sur des travaux conduits chez les moutons qui avaient démontré le rôle négatif de la méthylglucamine sur la qualité des UIV à cause de la diurèse osmotique qu'elle entraîne. Ce type de radicaux branchés sur l'un des carbones du cycle benzénique était utilisé pour lutter contre l'hyperviscosité des molécules triiodées de l'époque et de ce fait en réduire la toxicité. Aussi puissant politiquement que physiquement, ce colosse, un chirurgien urologue converti à la radiologie, était fort peu apprécié de ses collègues. Il s'en fichait royalement et trouvait son bonheur dans le reste du monde occidental qu'il parcourait plusieurs fois par an. Il s'arrangea avec Nina pour que je puisse m'arrêter dans son fief d'Adelaide, South Australia. Il y avait construit le seul service de radiologie de pointe de l'Australasie, copié sur le modèle margulissien du Moffit Hospital. 

 

 Il y avait une très grosse colonie grecque dans cette ville et toutes les inscriptions des plaques d'identification de l'hôpital étaient sous-titrées en lettres grecques. Je me fis un petit scénario imaginant la surprise des archéologues de l'an dix mille découvrant des citations helléniques sur les vestiges de la vieille Adélaide, située aux antipodes d'Athènes, après la catastrophe nucléaire cataclysmique attendue par tous les pessimistes ravageant le monde déjanté pour le purifier de ses décadences amollissantes ! Aujourd'hui connue pour son circuit de F1 et ses vignes, la ville n'avait guère d'intérêt, il y a vingt ans. C'était une réplique d'une ville américaine comme Perth, avec un Downtown ultramoderne et une banlieue étendue où Benness avait une propriété de style californien à la hauteur de sa fortune. Geoff et sa femme ne parlent pas le français, mais ils aiment tellement la France que sa fille Angela, qui deviendra Mrs Nick Farr-Jones, en épousant le valeureux capitaine des Wallabies, parlait déjà couramment notre langue. Geoff m'exprima son obsession qui consistait à utiliser mon influence pour que je conseille vivement le Laboratoire Guerbet de préparer une solution d'Hexabrix sans méthylglucamine. Il avait une telle admiration pour cette molécule qu'il avait déjà essayée avec succès ! Jean Lautrou m'avait raconté avoir reçu une bande magnétique que Benness avait enregistrée en pleurant pour exprimer son bonheur de voir le thème de la faible osmolalité arriver sur l'avant-scène de la radiologie. Malgré mon entregent, il n'aura pas droit à ce bâton de maréchal.

PS. N'oubliez pas de rendre hommage à Jean Lautrou dans votre chapitre car, sans lui, je n'aurais pas eu tous ces succès!

BAV,
Jean-François Moreau

A RAVENSBRÜCK

LA PHARMACIE DE MARGUERITTE CHABIRON
A VERDELAIS ETAIT DANS CET IMMEUBLE

LES RESISTANTES S'ENFUIRENT PAR LE JARDIN A PIC