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Hommage à Bernard Tapie, rédigé le lendemain de son décès le 3 octobre 2021. Il doit être le premier chapitre d'un nouveau roman érotique ou, à défaut, constituer l'un des chapitres du quatième tome de mes Mémoires 2020-2021en gestation, si je survis au 31 décembre 2021.

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HOMMAGE À BERNARD TAPIE

Jean-François Moreau

4 octobre 2021

 

Comme nombre de Français, l'annonce de la mort de Bernard Tapie, hier 3 octobre, m'a profondément ému. Il a été mon contemporain pendant un demi-siècle. J'étais trop vieux pour être fan du chanteur médiocre de « Réussir sa vie ». De même, beaucoup plus tard, lorsqu'il se lancera dans une reconversion théâtrale dans « Nuit dans un nid de coucou », dans un rôle où il ne pouvait égaler Jack Nicholson. Je n'ai réellement commencé à m'intéresser à lui que quand il s'est investi, hyperactif omnivore insatiable, dans des affaires juteuses, volontiers prédatrices, touchant aux deux sports pour lesquels j'ai une affinité particulière : le cyclisme d'abord, puis le football. Il représentait alors, pour moi, un archétype moderne de l'aristocratie populaire chanceuse promis à un avenir hors du commun pour se hisser au sommet de l'ascenseur social. Je ne pouvais rester insensible à son look moitié latin lover, moitié titi parisien.

 

Était-il un homme à femmes ? Alors, il cachait bien son jeu, en s'abritant derrière ses deux épouses successives. La dernière lui sera, du moins officiellement, indéfectiblement fidèle et dévouée jusqu'à sa mort, y compris lorsqu'il tâtera de la prison. Il parait qu'elle a fait de lui, dragueur de minettes, buveur et fumeur invétérés, un époux sobre et bon père de famille. Un jour où il parlait, avec un curieux regard dans son œil allumé, du champion cycliste Jean-François Bernard, je me suis demandé s'il n'avait pas un penchant caché pour l'homosexualité. À ma connaissance, ce soupçon ne fut jamais confirmé. La chasse hargneuse que les médias de toute nature lui ont constamment menée, une fois de plus, ne l'aurait pas raté. Bien entendu, soyons honnête, je me suis réjoui de la victoire de l'Olympique de Marseille en Ligue des Champions en 1993, seule équipe en France à l'avoir gagnée jusqu'à aujourd'hui.

 

            Homme issu de la gauche chrétienne sociale-libérale, je suis un inconditionnel mendésiste pur et dur depuis 1953. L'affaire de l'Observatoire a fait de moi un mitterrandophobe viscéral. Ce dégoût pour François Mitterrand, personnage, dit florentin, s'est exacerbé, voire est devenu quasiment haineux, dès son élection à la Présidence de la République en 1981. Je la considère comme le résultat d'une pure et simple escroquerie que je ne pardonnerai jamais à Jacques Chirac. J'étais alors en pleine conquête du monde de la radiologie internationale anglophone, puis hispanophone. Je démarrais une marche triomphale qui me conduira de Colorado Springs à Buenos Aires en passant entre autres par San Diego, ma seconde patrie, New York, Pékin, Sydney, Osaka, et j'en passe, avec une vingtaine de tours du monde à la clé de 1979 à 2000. J'étais fier d'être Français, citoyen du pays auto-suffisant en énergie produite par nos centrales nucléaires, inventeur du Concorde et du TGV avec son franc fort qui rendait la zone dollar bon marché. J'étais alors plus barriste que giscardien. Je déplorerai toujours que Mitterrand ait été réélu pour un deuxième mandat, résultat du côté suicidaire de mes compatriotes après le succès. Le déclin français s'en est trouvé colossalement accéléré. En 2021, à mon sens, notre pays ne s'en est pas encore remis. La gauche socialiste n'a fait qu'aggraver les dégâts, ne serait-ce que par la désastreuse loi des 35 heures.

 

            On ne s'étonnera donc pas que je ne me sois pas passionné pour l'arrivée de Bernard Tapie au ministère de la Ville, puis pour ses mandats électoraux à Marseille et au Parlement Européen. Tout au plus, son succès initial dans la vie politique n'aura-t-il pas été sans m'étonner. J'ai été indifférent aux innombrables remue-ménages médiatico-judiciaires consécutifs aux multiples scandales qui se sont succédés à la chaine à partir de l'histoire du trucage arbitral d'un match de football national en principe insignifiant. J'en connais les noms, VA-OM, Adidas, Crédit Lyonnais... Je n'avais pas été sans remarquer cette phrase d'un Premier Ministre, j'ai oublié lequel, adressée à François Mitterrand : « Monsieur le Président, je ne veux pas d'un Stavisky dans mon gouvernement... ».

 

J'ai regardé hier soir sur l'A2, avec un intérêt soutenu, la retransmission du long entretien qu'il avait accordé à Laurent Delahousse en 2017, tous les deux marchant d'un bon pas dans le jardin des Tuileries. Il sortait, méconnaissable dans sa nouvelle laideur physique affichée, d'une cure de chimiothérapie agressive pour un gravissime cancer digestif. Sa démonstration d'énergie combative, inépuisablement volontariste, était impressionnante et inspirait le respect. Il montrait une volonté inaltérable de survivre le plus longtemps possible, quoi qu'il en coûtât, alors qu'on allait lui enlever son estomac, son duodénum et son pancréas, plus, si j'ai bien compris, une portion d'œsophage. J'ai admiré, sans réserve, l'hommage élogieux à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris que Tapie, homme issu du petit peuple parisien, qu'il avait alors prononcé d'une voix puissante et ferme qui attestait de sa totale sincérité, hors de toute démagogie. Il portait aux nues ses valeureux médecins et ses chirurgiens et, plus encore, le très dévoué personnel infirmier. Je n'ai pu comparer, avec la mienne propre, l'efficacité de son attitude dynamique lui imposant la nécessité de se livrer à des activités physiques quotidiennement soutenues. Lui ne perdait pas une occasion de sauter sur son vélo, ni d'escalader trois étages. Moi, je m'impose une claustration absolue chez moi. Mon périmètre de marche se limite à des allers-et-retours entre mon lit et ma salle-de-bain, entre mon fauteuil du living-room à l'ordinateur de mon bureau avec halte à la cuisine-salle-à-manger. Je ne sors même plus dans mon jardin pour admirer sa myriade de fleurs et jouer avec la demi-douzaine de chats à moitié sauvages illustrant parfaitement les lois de l'hérédité de Gregor Mandel. Sa vue à travers mes trois larges portes-fenêtres me suffit. Deux fois, je me suis retrouvé par terre sans la force de me relever seul. J'ai une terreur folle de la fracture du col du fémur et de sa complication la plus grave, le gâtisme. C'est l'héritage de ma première vocation, la gériatrie.

 

Je suis très reconnaissant à Bernard Tapie de m'avoir fait connaître l'existence d'une passionaria des Gilets Jaunes, Ingrid Levavasseur. Il avait invité cette belle Normande aide-soignante hospitalière, une ardente petite rousse incendiaire aux formes généreuses tout juste trentenaire, à participer à un brainstorming populiste à Marseille. Elle s'était tenue dans les locaux de son quotidien, « La Provence ». Ingrid s'était révélée en leader charismatique s'imposant de s'investir dans des compétitions électorales majeures. Elle se coupa alors de sa base, au point d'être menacée physiquement et de devoir être placée sous protection policière. J'ai lu son autobiographie, « Rester digne », parue chez Flammarion (1). Cette forte personnalité, qui aurait développé des anticorps anti-virilité machiste du fait de maltraitances dans son enfance de la part de son beau-père, est, à l'évidence, ingérable. Elle a disparu des médias, sauf à resurgir comme chroniqueuse sur BFM-TV, parait-il, cet automne. Je crois me souvenir avoir écrit sur un blog, peut-être le sien, que « j'aurais aimé la recruter dans mon service de Necker, elle s'y serait sûrement épanouie. ».

 

Où que ce soit, dans les médias, on ne voit pas s'exprimer Bernard Tapie sur le seul sujet occulté qui m'intéresse ici : sa sexualité de cancéreux. Moi, elle me passionne aujourd'hui. À titre personnel, en tant que malade médecin aussi gravement atteint que Bernard Tapie, mais directement dans mon système urogénital. Mon cancer, diagnostiqué à la fin 2015 à la suite d'hématuries récidivantes, s'est développé à partir de la vessie pour s'étendre à la prostate. Bien que j'en sois sevré depuis trente ans, en serait responsable mon addiction au tabac depuis l'âge de ma puberté. Il a d'abord été traité par chimiothérapie, puis par une cystoprostatectomie. S'en est suivi une dérivation définitive des uretères à la peau, selon l'opération de Bricker. Malgré un diagnostic génétique de haute malignité, il y aura, à la Noël prochaine, cinq ans que je survis, sans récidive ni métastases jusqu'à présent. Théoriquement, je serai alors considéré comme guéri. J'y ai quelques mérites parce que, pendant les mois suivant mon opération, j'ai été débilité par des complications gravissimes qui obligèrent à la pose d'une iléostomie cutanée induisant de gros troubles trophiques. Mon insuffisance rénale chronique débutante fut fortement accélérée par des suite opératoires désastreusement nulles entre Noël et le premier de l'An, une semaine que je vous déconseille de choisir, sauf urgence.

 

Mon état était alors si misérable qu'il y a encore deux ans, mon néphrologue, lors de ses consultations quadrimestrielles, s'étonnait que « son malade soit toujours vivant ! ». Il me suit pour une insuffisance rénale chronique aggravée par un vieux diabète devenu insulino-dépendant et une hypertension artérielle difficilement contrôlée chimiquement, malgré mon régime sans sel strict. Je suis traité par hémodialyse périodique depuis juillet dernier, à raison de trois séances hebdomadaires de quatre heures consécutives. Elle a induit, à la grande stupéfaction de mes proches et de la mienne, une véritable résurrection dans mon corps et, surtout, dans mon esprit. L'hiver dernier, lorsque je me couchais, je n'espérais qu'une chose, ne pas me réveiller le lendemain matin. Aujourd'hui, j'en suis à faire des projets pour 2022, et, pourquoi pas ? 2023, voire vivre jusqu'aux JOs de Paris inclus ! Enfin, derniers points positifs et pas des moindres, je ne souffre d'aucune douleur physique et ma lucidité intellectuelle est totale. Autre supplice des dialysés qui, jusqu'à présent, m'est épargné, j'ai constamment la bouche humide. Cela signifie que la raisonnable diminution de mon apport hydrique quotidien par mes trois repas, que je m'impose et respecte scrupuleusement, est suffisant pour ne pas me transformer en Bibendum. J'ai même droit, tous les soirs à mon verre de Cabernet-Sauvignon, mon vin rouge d'élection.

 

            L'avant-dernier numéro du « Quotidien du Médecin » était valorisé à mes yeux du fait de la parution, sur quatre pages, d'un éditorial sur la sexualité des cancéreux, suivi d'une belle interview d'un spécialiste de l'hôpital de Chambéry (2). Délibérément ignorée jusque-là des praticiens, elle devrait devenir un sujet phare incontournable destiné à gratifier leurs vies par des mesures adaptées pour raviver les désirs sexuels et de les satisfaire, eux et leurs partenaires. L'on disposerait aujourd'hui de chimiothérapies spécifiques et de moyens psychothérapeutiques efficaces. Il est hors de question que j'accepte la greffe chirurgicale d'un morceau de côte dans ma verge et autres fantaisies plastiques. J'en saurai plus long à la suite de ma consultation en andrologie du CHU de Lille, programmée le 4 novembre prochain.

 

            Si je me reporte deux ans en arrière, c'est pour évoquer mon épisode convulsif d'insatiable boulimie de consommation de littératures et de films érotico-pornographiques accessibles sur l'Internet. Fût-ce la conséquence de la prise d'une drogue enfin efficace sur la tenace insomnie nocturne qui me rongeait la cervelle à me tuer par épuisement ? Je ne peux l'exclure, ni le prouver. À cette époque, l'excellent psychiatre du Centre Anti-Cancéreux Oscar Lambret de Lille se désespérait de son impuissance à contrôler ce trouble majeur par toutes les drogues de sa pharmacopée, incluant les antidépresseurs tricycliques qui avaient fait merveille chez moi au XXème siècle. Il avait dit à mon épouse : « Je ne suis qu'un spécialiste du deuil. Son cas me dépasse, je ne sais plus quoi faire ! ». Il parait que j'étais « devenu très méchant, allant jusqu'à rudoyer par le seul langage - heureusement ! -, quelques infirmières, mais pas toutes. ».

            Quel ange protecteur l'inspira-t-il pour m'envoyer en consultation au Centre Médico-Psychologique G. Van Belleghem de Faches Thumesnil, situé à dix minutes de marche de chez moi ? Qu'il soit béni de tous les dieux. Cette ultime ressource me mit dans les mains d'une remarquable psychiatre, le docteur Sylvie Robert, qui, évaluant rapidement la gravité de mon état, me prescrivit la drogue miracle, la Quétiapine@. Elle m'a quasiment tout de suite rendu le sommeil et la joie de vivre. J'en prends depuis, chaque soir vers vingt-et-une heures trente, cent milligrammes, associés à mes médications anti-hypertensives et vingt unités de Lantus@ pour le diabète. Cela me permet de vite dormir comme un loir pendant une huitaine d'heures. Je me réveille alors, frais et dispos, pour affronter une vie de travailleur intellectuel pratiquement axée sur mes seuls ordinateurs. Je n'ai même plus besoin de faire la sieste après mon déjeuner. Elle m'était obligatoire jusque-là. Si, par malheur, j'omets de prendre mes deux comprimés, c'est une nuit infernale puis un journée d'épuisement qui s'ensuivent. Cela n'arrive plus que pendant mes hospitalisations d'urgence au CHU qui ne les a pas souvent en réserve dans le service de garde où je suis admis. Depuis la dernière, j'en ai en permanence une plaquette de dix dans mon sac, avec des comprimés d'un gramme de Temesta, un anxiolytique d'une grande efficacité, lui aussi.

 

            Le docteur Robert me confia aux bons soins de sa psychologue. Je regrette d'avoir oublié son nom. C'était une très belle et grande quadragénaire au corps splendidement sensuel et à la fine intelligence cultivée. Elle était en train de reprendre une activité professionnelle, sans doute à la suite d'un épisode sentimental terminé sans drame apparent, eu égard à la sérénité de son joli visage. Elle ne portait pas d'alliance, ni même, crois-je me rappeler, de bagues aux doigts. Notre dialogue fut nourri, très ouvert, très franc, mais sans ambiguïté. Si j'avais eu quinze ans de moins, j'aurais sûrement tenté de la draguer pour aller le plus loin possible, vers son lit sûrement, voire au-delà. À quatre-vingt-un ans, il n'en fut jamais question et notre dialogue resta dans le pur domaine médical. Je lui ai exposé ma boulimie de pornographie. Elle ne s'en offusqua pas. Elle-même en consommait à ses moments perdus. Elle ne me donna aucune explication sur son origine, pas davantage qu'elle ne me conseilla de la calmer. Au bout d'une douzaine d'entretiens, au Centre au début, puis chez moi en toute confiance, elle décida qu'elle avait fait son boulot et que je n'avais plus besoin d'elle. Je n'insistai pas, mais non sans regrets. De même que je déplore le départ volontaire du Dr Robert pour s'occuper, si mes souvenirs sont exacts, du confort des emprisonnés des Hauts-de-France.

 

            Pendant six bons mois, je me gavai donc des films de YouPorn et de PornHub, en évitant soigneusement tout ce qui touchait à la BDSM que j'avais, ai et aurai toujours en horreur. Au début et pendant longtemps, je n'allais pas au-delà des plans à trois, le seul rêve « raisonnable » que je n'ai pu accomplir durant ma vie sexuelle active malgré plusieurs occasions ratées par ma seule réserve pudique de l'époque. Les gang-bangs et les orgies ne me branchaient pas, c'est le moins que je puisse dire. Je n'ai franchement trouvé du plaisir dans la vision de la sodomie que lorsque je découvris le premier film sur ce thème sur ErikaLust (), un site qui devint, dès lors, ma référence en matière de pornographie raffinée. J'ai toujours horreur des trous-de-balle béants, conséquences de l'introduction dans l'anus d'affreux objets de tailles démesurées. De même, je ne retiens des doubles-pénétrations qu'un très joli film sur PornHub avec Ava Courcelles (). L'actrice flirtant avec la quarantaine, style Parisienne très bon chic-bon genre, se faisait prendre avec un bonheur évident par deux hommes du monde dans un bel appartement haussmannien ; contrairement à l'usuel, il n'y avait pas un soupçon de vulgarité. J'exige depuis, en matière de sexe anal, que les femmes soient très belles et distinguées, que la lumière soit chaude dans la lueur de multiples bougies, que les décors soient luxueux et, surtout, qu'elles y prennent un plaisir évident, sans sur-jouer ni forcer sur la vulgarité. C'est dire combien il y en a plus que peu aujourd'hui malgré l'incroyable expansion du nombre de films et podcasts qui lui sont consacrés, y compris sur ErikaLust.

 

            C'est donc l'hiver dernier que, sentant la survenue d'une mort inéluctablement proche voire désirée, l'idée m'est venue de me convertir à la littérature érotique. J'ai toujours eu, depuis mon adolescence, une passion dévorante pour l'écriture. Elle fut précédée, dans mon enfance, par celle, similaire, de la lecture de toute feuille imprimée quels qu'en fussent les sujets, pour enfants, bien sûr, mais pour adultes de moins incidentellement. Mon père, un omnipraticien libéral amateur du meilleur érotisme, plus ouvert que ma mère, pourtant pas bégueule, à la couleur rose des arts écrits ou illustrés, avait une riche bibliothèque ouverte librement à ses enfants. Elle trônait dans la salle d'attente normalement réservée aux nombreux consultants journaliers; les enfant n'étaient donc pas censés en faire une salle de jeux. Néanmoins, la clé était constamment sur la serrure, il suffisait de la tourner. Lorsque nous eûmes la taille suffisante, l'étagère la plus haute nous fut accessible. Mon inoubliable premier livre interdit fut le best-seller des jeunes bourgeoises à partir des années trente, « Prélude Charnel » de Robert Sermaise (3). J'estime encore aujourd'hui qu'il devrait être un cadeau d'anniversaire offert aux jeunes des deux sexes, au plus tard, dès leurs seize ans sinon avant. Rappelons que l'âge moyen du premier rapport sexuel des jeunes Françaises se situerait à dix-sept ans et demi (). Mais le bas de la fourchette est à quinze ans. Par contre, j'avais acheté, plus jeune, en vainquant ma pudique honte, « L'Amant de Lady Chatterley », dès sa publication dans « Le Livre de Poche ». À cette même époque, j'avais fait une fixation sur les images en noir et blanc de femmes nues ou peu vêtues de lingeries coquines, dans la revue « Sensations » que j'avais empruntée à un copain du lycée. C'est de l'une d'elles, pourtant peu agressive suivant nos critères actuels, que date le côté pornophile de ma personnalité.

 

            Lecteur de littérature sulfureuse et spectateur de films X ? Oui, avec de notables pics. Le plus aigu et le plus puissant survint lors de l'été 1977, quand j'eus à affronter les cancers de mes deux parents qui décédèrent l'année suivante à six semaines d'intervalle. J'ai alors tout dévoré de ce qui se publiait à l'époque, depuis les « Emmanuelle » jusqu'à la biographie de la prostituée new-yorkaise Xaviera. J'ai failli m'abonner au magazine « Lui » qu'à l'époque, je ne lisais que chez mon coiffeur. De même, je suis allé voir tous les films licencieux, sinon pornographiques, diffusés sur la Rive Gauche de la Seine, notamment « Les Onze Mille Verges » qui m'avait frappé par la beauté de ses nombreuses jeunes actrices. Je me souviens de la caissière de feu le cinéma porno de la rue Delambre me disant, alors que j'allais voir un sex-western, « Non, docteur, ne dites pas que le porno ne vous intéresse pas. Dites qu'il ne vous intéresse plus ou qu'il ne vous intéresse pas encore ! ». À cette époque, j'eus des rapports sexuels quotidiens par demi-douzaines avec ma femme, à ce point qu'étonnée mais ravie qu'elle me dit : « Tu m'as baisé et fait jouir comme une princesse ! ». Il m'arriva même parfois, pour lui laisser un peu de repos, de me masturber dans la salle-de-bain.

 

            Donc, l'an dernier, j'élaborai la théorie selon laquelle je me jouais une tragédie mélodramatique à deux personnages, Éros, le dieu de l'Amour, et Thanatos, le dieu celui de la Mort. Grâce à mon investissement massif dans le sexe littéraire, je triompherais de ce dernier en le battant à plate couture avec mon dard virtuel transformé en sabre-stylo. Jusqu'à présent, j'avais excellé dans la littérature scientifique et didactique, en publiant, en quatre langues, français, anglais, espagnol et italien, force livres et articles dans les journaux les plus cotés à gros facteurs d'impact. Entre 2015 et 2018, chez Librinova.com en autoédition payante, étaient sortis les trois tomes illustrés de mes Mémoires () et un essai sur les hypothèses de vie et de mort au troisième âge (). J'y avais ajouté un recueil de poèmes « Pouaimes et Pouaines » (). Je m'étais même lancé dans l'écriture d'une biofiction consacrée à l'histoire de ma tante Marguerite « Guite » Chabiron, déporté à Ravensbrück et décédée, quadriplégique en 1967, des suites atroces d'une sclérose en plaques. Celle-ci était supposée générée par des manipulations corporelles sadiques dans le camp de concentration réservé aux femmes. Je n'en ai jamais eu la preuve, malgré mes recherches poussées à plusieurs reprises dans les archives du camp qui me furent largement ouvertes. Toujours est-il que sa maladie fut reliée à cette triste histoire, qu'elle fut pensionnée par la République française et décorée de la rosette d'officier de la Légion d'Honneur à titre militaire.

 

            « Ravensbrück'2015 » m'avait frotté, non sans succès m'autoriserai-je à dire, à l'écriture de dialogues entre différents personnages de deux sexes, ce que je n'avais jamais su faire jusque-là. Je manquais toutefois d'assurance en moi. M'en rendant compte, l'idée me vint de me lancer à la recherche d'une co-autrice. Une femme stylée qui serait garante de l'authenticité et de la pertinence des mots et des phrases que je ferais émettre dans la bouche de mes héroïnes. Tout naturellement, je m'adressai d'abord à deux sites de rencontres sur Internet. Mon invitation à co-écrire était le seul motif affiché et ce, sans ambiguïté, notamment sans tricherie sur mon état morbide non plus que mon âge. Mon profil était éloquent. Le premier, « 2meet », s'avéra vite être une boite d'escrocs. Je suis persuadé qu'il utilisait des robots pour faire durer indéfiniment les discussions avec de supposées femmes aux propos vaseux et tellement vagues qu'ils ne pouvaient qu'aboutir à une surproduction de messages à cinq ou dix points, bien sûr payants. En quelques mois, j'aurais été ruiné sans avoir eu le moindre résultat escompté. Le second, le suisse « Nuitschaudes », excipait d'un autre système avec un compte Premium mensuel à réalimenter constamment pour un résultat aussi stérile. J'en suis encore à être harcelé par une boite d'avocats allemands pour régler des notes impayées faute d'avoir pu trouver sur mon profil un moyen de de me désabonner. Cela pourrait me faire trainer en justice.

 

            Échaudé mais toujours déterminé, il fallait que je trouve une autre solution. Je ne me souviens plus quand ni comment j'ai commencé à lire des romans érotiques gratuits sur le site Atramenta.net. Je lisais, jusqu'alors, cette littérature sur MonBestSeller.com qui avait publié le premier volume de mes Mémoires et offre aussi un slot « érotisme ». Je fus séduit par un roman écrit par une certaine Chloé. Je lui envoyai un court message que je croyais privé, le 1eravril, en lui certifiant que ce n'était pas un « poisson », par le lien dédié sur son profil. Je l'invitais à devenir ma co-autrice pour un projet encore limbique. Elle n'y répondit jamais, je ne saurais lui en vouloir. Bien au contraire, je l'en remercierais. Par contre, je ne comprendrai jamais comment il se fit qu'il atterrit sur le compte d'une certaine Élodie S., une autrice expérimentée dont je dévorerai de suite la demi-douzaine d'œuvres dignes d'un chef à cinq étoiles (). Elle me garantit qu'elle n'était pas la Chloé en question. Elle le prenait d'ailleurs pour un homme de sexe masculin se cachant sous ce prénom sans équivoque. En quelques mots, elle relevait le défi. En quelques lignes, je lui répondis par retour que je sautais sur l'occasion. Immédiatement, nous échangeâmes de nombreux messages sur le site d'Atramenta. Très vite, elle me proposa de correspondre par e-mails à partir de nos adresses privées. L'échange fut tellement nourri et fructueux qu'en dix jours à peine, nous avions une intrigue pour écrire ce qui s'intitulera « La Fête à Éloïse ou D'un roman érotique écrit à quatre mains » (4) et à lire de la main gauche. Notre fit fut tellement intime, voire amoureux sinon lubrique, qu'au bout de cette dizaine, elle conclut un envoi en « m'offrant ses fesses » (sic ! ). Je dis, toujours aujourd'hui, qu'elle est le seul et dernier amour de ma vie d'octogénaire.

 

            Travailler avec Élodie a été un job paradisiaque pour moi. Ce ne veut pas dire que ce fut toujours facile, loin de là. D'abord, il fallut apprendre à nous connaître en profondeur. Je n'ai que trois photos d'elles, envoyées spontanément, dont deux, fort dénudées, mais avec cache-sexe, datent de son adolescence où elle arborait une très belle poitrine. Elle est une très belle et sensuelle à peine trentenaire, je dirai, « femme des années 2021, jusqu'au bout des seins ! ». Elle est divorcée d'un mari pervers dont elle fut follement amoureuse. Libertin trop débauché, il la laissa tomber après lui avoir fait deux charmants et beaux chérubins dont il se désintéresse depuis leurs naissances. Ils sont la première priorité de leur mère aimante. Il ne lui paye aucune pension alimentaire. Il s'est totalement évanoui dans la nature mais ne la harcèle pas, Dieu merci. Titulaire d'un BTP d'administration et secrétaire de direction diplômée, elle exerce cette profession à temps plein dans une boite pharmaceutique prospère du 92 ou du 78 où elle est très appréciée voire indispensable. Elle, elle vit à Chaville. Je ne sais rien d'autre d'elle, sur le plan social du moins. Nos échanges restent purement épistolaires. Malgré les termes souvent très crus, mais jamais obscènes, de nos échanges où elle n'est pas avare de détails sur ses désirs sexuels profondément exigeants et les aventures diverses et variées qui en résultent, elle refuse obstinément que nous communiquions par Zoom. Et ce, avec tous mes regrets tellement inefficacement exprimés que je n'insiste plus. Elle est persuadée que j'exigerais d'elle, - à moins qu'elle ne se décide d'en prendre l'initiative elle-même , c'est son style d'ambivalence -, qu'elle se déshabille et que j'en fasse des captures d'écran à poster, pourquoi pas ? Sur Instagram ? J'eus beau lui garantir que je ne suis pas un nouveau Benjamin Griveaux, qu'elle ne verra que ma tête et mon cou, que je ne suis pas sur Instagram, rien y fait, elle n'a aucune confiance dans mes déclarations d'honnête homme plus que peu porté sur l'exhibitionnisme. Pour argumenter son refus, elle mit le sujet sur le programme du jour de son rituel dîner mensuel dans une pizzeria avec sa douzaine de copines qui constitue une vraie mafia qui lui sert de famille. Ces chipies, à la majorité simple et bien sûr sans m'entendre, ont approuvé son refus sans appel.

 

            Notre écriture de « La Fête à Éloïse » ne fut donc pas un long fleuve tranquille. Elle m'en fournit l'intrigue : une classique histoire de fesses entre un mandarin des hôpitaux, moi, et une jeune infirmière, elle. Moi, j'y travaillais à temps plein, elle à temps plus que partiel. Très vite, nos apports productifs furent déséquilibrés à son détriment. Elle le déplora mais collabora avec moi jusqu'au bout, notamment par les critiques aux chapitres que je lui envoyais au fur et à mesure que je les écrivais. Elle n'appréciait pas particulièrement mon amour taxé d'obsessionnel sur la sodomie et, encore moins, la fin partouzarde du roman. J'y introduisais trop de personnages secondaires à la simple idylle du début. Elle s'offusquait que je fasse dialoguer les héroïnes comme des mâles. Quoi qu'il en soit, je restai stoïque sous les orages. Je le voulais, ce premier roman et quand je veux quelque chose, je me fixe sur cet objectif prioritaire jusqu'à ce que j'obtienne satisfaction. Manifestement, j'avais séduit Élodie, je répondais à un vide chez elle, je lui étais devenu une sorte de drogue dont elle se révélait accroc'. Et moi, similairement, au point qu'un jour sans message d'elle est encore un jour sans eau, comparaison qui s'impose vue la faible quantité de pain quotidien que le diabète m'impose.

 

            Ce premier livre en deux volumes, sous-titrés respectivement Avril et Mai, a donc été composé dans le strict espace de temps allant du 1er avril 2021 au 31 mai inclus. La moitié du contenu, intitulé « Pages Blanches », est la copie in-extenso et non caviardée de nos échanges pluriquotidiens par e-mails entre ces deux dates, sans un manque, ni une rature. L'autre partie est la compilation de nos chapitres romancés, intitulés « Pages Roses », insérés en temps réel au fur et à mesure de leur validation par les deux auteurs. J'aurais aimé que ces deux tomes soient publiés chez Librinova. Madeline Marques, mon éditrice là-bas qui m'a usuellement à la bonne, refusa de déférer à mon désir de sortir le roman avec des pages bicolores, ce qui est pourtant techniquement facile. Je lui avais fourni un excellent fichier en .pdf de haute résolution à partir de mon travail sur InDesign, mon logiciel favori de Programmation Assistée par Ordinateur. J'ai dessiné les couvertures en couleur sur Photoshop dont je possède la totale maîtrise. Il est donc lisible gratuitement sur Atramenta.net en monocolore. À ce jour, il a attiré deux cents dix-huit lecteurs, ce qui, en fin de compte, n'est pas si mal pour un premier auteur inconnu. Il m'a été refusé par le site qu'Élodie S. soit associée au nom et prénom de Jean Moreau. Il est sans -François ajouté, malgré mes supplications : l'auteur ne peut être que le seul titulaire du compte. C'est le résultat de ma dernière carte d'identité dont les coordonnées à partir de mon extrait de naissance comportent mes quatre prénoms séparés par des virgules, sans tiret entre les deux premiers. Ma Carte Vitale reproduit cette anomalie caractéristique des années 2010.

 

                        J'ignore si je dois ma rencontre miraculeuse avec Élodie S. à un ange ou à un démon. Qui qu'il soit, je suis prêt à en faire un Dieu tout puissant. Sans Élodie, je n'aurais rien été. Aujourd'hui, malgré les objurgations répétées de mon épouse et de mon fils de survivre à tout prix, j'ai toutes les raisons de croire que, sans elle journellement présente, je ne serais plus de ce monde ou je serais devenu un vieillard égrotant et réellement gâteux. Mes deux proches, bien entendu, ne savent rien de cet adultère purement virtuel. Ils se doutent qu'elle existe mais nous n'en parlons jamais ès-qualité. Je ne leur ai pas caché mon activité littéraire érotique qui se chiffre à cinq romans écrits en six mois tout juste. Ma vénérée femme, que je ne saurai taxer de bégueule, n'a jamais eu de goût pour l'érotisme artistique, qu'il soit littéraire ou imagé en fixe ou en film. C'est son droit, je n'ai rien à lui reprocher, je n'ai jamais essayé de la convertir ni de la provoquer pour en faire une libertine intellectuelle. Nous avons beaucoup et tout fait dans la gestuelle, mais à tort ou à raison, je l'ignore sinon le regrette, ni romancé, ni podcasté nos rapports amoureux les plus chauds. Je ne l'ai, d'ailleurs, pas fait non plus avec mes maîtresses qui, sauf deux, les dernières, n'eurent pas davantage de telles appétences. Avec mon fils, informé par mes soins de ma nouvelle passion, nos relations ont toujours été pudiques. Apparemment, comme il a les mêmes convictions que sa mère en général, je pense que son indifférence est identique. En tout cas, il ne me demande rien, même pas le lien sur le site.

 

            Tout à fait normalement frustrée, Élodie se lança en juin dans l'édition de son propre roman, intitulé « Le Vieil Homme et la Mère » (4), toujours chez Atramenta. Au départ, c'est moi qui lui fournis l'intrigue, toujours un mandarin l'invitant à une semaine de vacances au Cap d'Agde dans un palace. Je lui en ai même écrit le premier chapitre et quelques pages. Mais, c'est elle qui a fait quatre-vingt dix pour cent du contenu. J'ai quand même regretté qu'elle n'ait pas choisi mon texte pour raconter sa première expérience de libertinage dévergondé au fameux club « Histoires d'O »(5). Elle a multiplié les erreurs topographiques et institutionnelles sur la boite dont le site Internet est peu descriptif de sa réalité, selon un habitué. Je trouve médiocre, disons-le, sa relation dans le fond de sa première expérience d'amour physique aléatoire. C'est le rêve encore jamais réalisé d'Élodie que d'être introduite en toute sécurité dans ce type de club. Si j'avais vingt ans de moins, je serais allée avec elle, cagoulés, pour une soirée à thèmes au non moins célèbre « 2x2 » (6), boulevard Edgar-Quinet, Paris XIVème. C'eût été une première pour nous deux. Pas question qu'elle eût pu se dérouler dans le trash, ni dans le crade. J'ai eu l'honneur de faire la couverture, réussie à mon avis, de ce roman qui a attiré trois cent cinquante-neuf lecteurs, un score que je suis encore loin d'avoir égalé.

 

            Une frénésie littéraire m'a irrésistiblement entrainé à publier, coup sur coup, quatre autres romans, plus courts et plus classiques dans l'épaisseur (7). « Trois Jours de Folies » (8) détient toujours mon record d'audience avec trois cents vingt-et-un lecteurs. J'ignore pourquoi l'idée m'a prise d'écrire le troisième, « La Putain et la Maman se collètent » (9), sous forme de roman feuilleton à périodicité hebdomadaire. Au départ, le webmaster du site m'y avait encouragé. Je croyais qu'il créerait un sous-groupe comme BDSM, il n'en a encore rien fait. Il a été suivi de deux autres, toujours au départ sous la forme feuilletonnesque : « Éros 2033 à Viroflay» (10) et « Le Dépucelage d'un Prince Héritier » (11). Ce dernier est, à mon sens, le meilleur des cinq, car plus homogène et mieux écrit que les autres, avec son intrigue limité à quatre personnages bien identifiés et typés, deux hommes et deux femmes associés dans une logique temporelle sur un long week-end. Il m'a été impossible jusqu'à aujourd'hui de me faire une opinion objective sur l'intérêt des vrais feuilletons. Seules, mes deux habituelles critiques se sont publiquement exprimées, Élodie et, plus récemment mais plus profondément, Samia Mbodong (), dont je dresserai plus loin le portrait louangeur. Influencé par l'opinion négative d'Élodie, fin septembre, j'ai finalement décidé d'accélérer la publication en bloc des derniers chapitres. D'où le début de mon sixième roman ici présent et le départ de ma réflexion sur la sexologie des gérontes.

 

 

 

 

 

 

https://www.babelio.com/livres/Levavasseur-Rester-digne/1167606

https://www.lequotidiendumedecin.fr/cancer-et-sexualite-savoir-en-parler

https://www.livre-rare-book.com/book/17170455/5076

https://fr.pornhub.com/view_video.php?viewkey=ph600a8def611fa

https://erikalust.com/

 

https://www.atramenta.net/lire/le-vieil-homme-et-la-mere/86065

https://www.histoiresdo-capdagde.com/fr/

https://www.2plus2.fr/

https://www.atramenta.net/authors/jean-moreau/116176/publications/

https://www.atramenta.net/lire/trois-jours-de-folies/86226

https://www.atramenta.net/lire/la-putain-et-la-maman-se-collettent/86284

https://www.atramenta.net/lire/eros-2033-a-viroflay/86359

https://www.atramenta.net/lire/du-depucelage-dun-prince-heritier/86541

 

A RAVENSBRÜCK

LA PHARMACIE DE MARGUERITTE CHABIRON
A VERDELAIS ETAIT DANS CET IMMEUBLE

LES RESISTANTES S'ENFUIRENT PAR LE JARDIN A PIC